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JOUR 6

Ça y est ! Ça y est j’ai eu le temps de faire toutes ces choses qu’on m’avait promis que je pourrais faire ! J’ai glandé, j’ai regardé une série, j’ai fait du coloriage, j’ai lu une BD, j’ai passé des coups de fil, j’ai rangé ma chambre (un peu), j’ai quasi fait la cuisine et j’ai fait la grasse matinée ! Enfin pas vraiment, j’étais réveillée tôt, sommeil trop agité. Mais j’ai passé une moitié de journée à faire le gros mollusque dans mon lit donc ça revient un peu au même.

J’ai trouvé comment faire pour tout faire : il faut faire plusieurs choses en même temps ! Comme écouter des podcasts tout en mangeant, colorier tout en téléphonant, écouter de la musique tout en écrivant un blog. C’est comme ça que doivent faire les autres.

J’ai écouté le journal de confinement de Wajdi Mouawad en coloriant et je me suis dit que par rapport mes chroniques sont vraiment très terre à terre. Elles ne vont pas vous apprendre grand chose. Je vais peut-être essayer de placer des trucs un peu stylés comme collapsologie ou lombricompost. Je garde ça sous le coude pour plus tard. Mais déjà si vous voulez devenir plus intelligents vous pouvez aller écouter n’importe quel podcast, le podcast c’est vraiment la clé pour être cultivé j’ai l’impression. Papa, maman, je vous expliquerai plus tard ce qu’est un podcast.

Cette journée était un classique de confinement (on se la rappellera avec nostalgie dans quelques mois) : dodo, glande, un minimum de sport, des coups de téléphone, du temps, de la cuisine (pas vraiment en fait, faut que j’arrête de faire semblant) et des skype familiaux. Avec tout le monde figé/haché/déconnecté/énervé et personne qui ne comprend rien à ce que disent les autres, tout le monde qui parle en même temps et des vieux parents qui pestent contre la technologie. Beaucoup de patience il vous faudra pour apprendre à vos anciens comment voir vos doux visages sur un écran. Beaucoup de patience il vous faudra pour parvenir à leur faire allumer leur caméra ET leur microphone. Mais comme ils étaient beaux tous tout à l’heure ! Bon si on s’en tient aux anniversaires pour faire ça c’est acceptable, le prochain est le 5 avril et le suivant le 14 mai. Ouf avec un peu de chance on n’en a plus qu’un seul à faire sur skype.

Par ailleurs je commence à avoir mal aux genoux, je crois que je ne fais déjà pas assez d’exercice. Être avachie comme un mollusque toute la journée dans des positions saugrenues n’est peut-être pas une bonne idée à long terme. Même Marine m’a fait remarquer que mes cuisses ne sont pas une table, je passe ma journée assise en tailleur.
Je peux peut-être faire de la marche sportive dans l’appartement, nous avons de très longs couloirs. Déjà j’ai passé la serpillère de façon active, en frottant sérieusement pour détacher tous les restes de virus accrochés au lino. C’était ma tâche de ménage de la semaine, j’ai fait un cocktail de produits nettoyants dans le seau d’eau et autant vous dire que j’ai mis la dose.

La question du moment (sachant que le moment va être long, je sens que les sujets vont pas mal tourner en rond) c’est : a-t-on le droit de sortir de l’appart, sous quelles conditions, et dans quelle mesure mettons-nous en danger l’ensemble de la coloc si l’un d’entre nous fait des écarts ? Et donc par extension quel droit de regard avons-nous sur les actions des uns et des autres ? Notre coloc fonctionne bien parce que nous avons un espace personnel chacun, des règles pour les espaces communs, et une vie à l’extérieur qui ne regarde que nous. Là tout à coup nos vies extérieures ne devraient plus exister (ce qui est déjà compliqué en soit) mais de fait nous sommes amenés à sortir, à avoir des contacts avec le monde, et nous n’adoptons pas tous le même degré de vigilance lorsque nous sommes dehors. Quentin part travailler tous les jours et est susceptible de ramener la maladie chaque soir. D’autres sortent pour d’autres raisons et sont aussi susceptibles de ramener la maladie avec eux. En temps normal ce qui se passe en dehors de la coloc fait partie d’un périmètre privé qu’il n’appartient à personne de juger. Mais là, la discipline que s’imposent certains d’entre nous (de confinement total, d’hygiène impeccable) vient s’entrechoquer avec cette règle implicite, parce que le manque de précaution des uns rend vaine la prudence des autres. Si nos comportements personnels deviennent collectifs, comment choisit-on un comportement collectif qui soit acceptable pour tout le monde sans donner l’impression de vouloir maîtriser les vies privées ? Obtient-on un droit de regard sur les vies privées en temps de guerre ? Le gouvernement et les pouvoirs publics montrent clairement que oui, mais au sein de la coloc, qui a l’autorité légitime ?
Ma stratégie à ce sujet est de laisser couler, d’être fataliste et de me dire que si je suis vouée à attraper le corona, autant ne pas flipper dans tous les sens pour essayer de l’éviter. Mais bien sûr, j’aimerais pouvoir contrôler les comportements des autres pour limiter le plus possible les risques qui pèsent sur moi. Sauf que je ne peux pas les contrôler. Et si je cédais à la panique, je ne pourrais pas m’empêcher d’en vouloir à ceux qui sont plus laxistes, et l’ambiance à la maison deviendrait compliquée à gérer. Pour ne pas leur en vouloir, j’accepte qu’ils me mettent en danger. Et j’essaie de contrôler mon ressentiment. Ça s’annonce tourmenté !

Sinon pour l’événement du jour, Marine est allée faire ses courses à la Louve. A la Louve ils ne rigolent pas, je le savais déjà. Mais là ça me déprime d’avance : le nombre de personnes dans le magasin est limité, tout le monde doit faire la queue à l’extérieur, une fois à l’intérieur on nous force à nous laver les mains, et ensuite il y a un sens prédéfini de passage dans les rayons. Bon ok tout ça c’est pour notre bien. J’ai hâte de voir. Et en même temps pas vraiment. Je comprends bien que moins je sors mieux c’est, et tant que je ne deviens pas complètement dingue je tente de rester enfermée. Là ça fait deux jours sans mettre un orteil dehors et ça va. Bon pas de balcon aujourd’hui parce que pas de soleil, tristesse. Mais j’ai trouvé une super stratégie pour ne pas en arriver à l’étape fatidique du quinoa au sel : j’ai commencé par manger le quinoa ! Avec des légumes frais tant qu’il y en avait ! Comme ça avec un peu de chance je terminerai par des pâtes au beurre et je serai heureuse jusqu’à la fin.

Ce soir on est presque tous dans le salon et, dépités de n’avoir trouvé que Jean-Marie Bigard à la télé, on a remis Tomb Raider. Même si Lara Croft se prend des tirs dans la tête tout le temps et gicle du sang elle ne meurt jamais et défonce tous les méchants. Petites montées de stress et concentration collective, je prends la manette pour tenter de dégommer un méchant qui a un bouclier. C’est galère parce que je suis un boulet de la playstation mais j’arrive à le défoncer à coup d’esquive+tir+tir+esquive+tir, OUAIS ! Combien de temps de confinement pour finir ce jeu ? Combien de temps de confinement pour devenir experte/accro ?

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