Je n’ai toujours pas compris comment le masque allait arriver jusqu’à moi. On me promet que tout un tas d’acteurs vont m’en donner : mon employeur, l’État, ma mairie, ma pharmacie, mais je n’ai toujours pas compris quand ni comment. Mon employeur doit me fournir un masque mais je dois en porter un pour pouvoir aller travailler. Est-ce que mon employeur va m’envoyer un pigeon voyageur avec un masque chez moi le matin de mon retour au travail ? Je ne pense pas. Donc je vais me procurer un masque par mes propres moyens et je n’aurai pas besoin de celui que me propose mon employeur une fois arrivée. Donc mon employeur n’a pas besoin d’acheter de masque pour ses employés ?
Ou alors si parce qu’on doit régulièrement changer de masque ?
On fait des masques lavables pour être plus écolos mais il faut en avoir plusieurs et mettre des filtres jetables dedans ?
Pardon j’ai mal suivi, peut-être que tout ceci est très clair pour tout le monde sauf moi. Peut-être que je devrais mieux lire la presse.
De toute façon je m’en fiche, je préfère m’acheter un masque en tissu tout joli plutôt que d’avoir un masque moche en papier gratuit. Ou plusieurs masques, un par tenue. Je vis pour le style.
Zut je voulais d’ailleurs aller à la conquête du masque demain mais tout sera probablement fermé, c’est férié. Est-ce que les jours fériés comptent pour les commerces qui sont ouverts quand tout est fermé ? Est-ce qu’ils vont rester ouverts puisque tout le reste est fermé ? Ou est-ce que les jours fériés tout est fermé y compris ce qui est ouvert depuis que tout est fermé ? Ça n’arrangerait pas mes histoires de masques si tout ferme, j’avais bien envie de régler ça demain.
A force de parler de déconfinement je commence à sentir l’angoisse de la procrastination. Comme quand on voyait la date des partiels approcher et qu’au fur et à mesure, au lieu de se mettre à réviser, on calculait le peu de temps qu’il nous restait d’un côté et la masse de cours à ficher et apprendre de l’autre. Le rapport temps/fiches ne faisait qu’empirer, inévitablement, fatalement, jusqu’à la date catastrophe (la veille du partiel, ou le matin même).
Là je me rends bien compte que oui, c’est quasi fini, mais non, je n’ai toujours pas fini le livre que j’ai commencé avant le confinement, non je n’ai pas regardé tous ces MOOC auxquels je me suis inscrite, non je n’ai pas écouté 1/10e des podcasts que j’avais repérés, non je n’ai pas lu ces e-books que j’ai téléchargés parce qu’ils étaient exceptionnellement disponibles.
Je n’ai pas regardé ce DVD que j’ai sur une étagère depuis des mois alors que c’était l’occasion rêvée. Je n’ai pas ciré mes chaussures ni mes vestes en cuir, je n’ai pas raccroché la guirlande qui est tombée dans le salon début février, je n’ai pas fait de progrès en cuisine, je ne peux toujours pas toucher mes pieds avec mes mains jambes tendues. Je n’aurai plus le temps. Il me faut encore 2 bons mois de confinement pour tout ça les gars !
Ici on se pose de plus en plus la question de notre responsabilité dans le déconfinement. Certes, on n’a pas tous très bien respecté les règles jusqu’à présent, donc on n’a pas grand chose à dire sur le plan des responsabilités.
Mais là on va enchaîner les soirées à 10 personnes, on va recroiser tous nos copains, on va ressortir, et on va immanquablement se faire de gros câlins quand on va se retrouver. Trop d’amour à donner. Donc ok, on n’ira pas tout de suite mélanger nos sueurs dans des boîtes de nuit, partager nos fluides à la piscine ou trifouiller avec nos mains dans les bacs à culottes des grands magasins, mais on aura quand même une multitude de chances de croiser le virus sur notre chemin !
Alors on se demande comment on va limiter les risques. Et on se demande quand on va retrouver nos parents ou nos grands parents. On se demande s’il vaut mieux se voir parce que c’est pour ça qu’on vit en société, ou mettre tout le monde en danger.
On se demande combien de temps on peut encore télétravailler. Personnellement je pense que j’ai atteint mes limites il y a bien 2 ou 3 semaines, mais en même temps j’ai toujours des éclairs de lucidité efficace parfois donc je suis probablement plus résistante que je ne le croyais.
En tout cas on va pouvoir aller marcher en forêt. Faute de traîner dans les bars ou les musées, on va s’approprier d’autres lieux de la région parisienne et ça c’est une bonne nouvelle. En plus moi j’aime les forêts ! Même si on ne pourra pas aller très loin, je suis sûre qu’on va trouver un tas de trucs intéressants à faire dans notre périmètre.
Je dis ça comme si j’allais tout à coup me mettre à faire toutes ces choses que je m’étais dit que je pourrais faire. Comme si j’avais fait un 4% de ce que j’avais listé pour les semaines passées.
Reprends-toi Juliette, tu vas juste passer les 2 mois qui viennent comme ces 2 mois derniers, à zoner en pyjama dans ton lit, le regard vide et le visage bouffi.